PIÈCE DE RESISTANCE, Giovanni Carmine, Zurich, juin 2003

Un Toblerone en glace. L’idée de reproduire un barrage anti-chars en glace sonne comme un gag estival. En effet, Olivier Mosset est un artiste chaleureux et plein d’humour, malgré l’aspect rigoureux de son oeuvre et la réputation ordinaire qui colle aux vrais motards... Au-delà des aspects purement formels qui poussent Olivier Mosset à s’intéresser à l’architecture militaire, il y a - bien sùr - des motivations artistiques: ces blocs de béton aujourd’hui sans fonctions stratégiques n’ont pas perdu leur valeur esthétique et continuent à exercer leur influence sur le paysage suisse et par conséquent à le dèfinir. Dans ce sens, ces "toblerones" que l’on voit surgir, parfois de façon complètement inattendue, sur une plaine entre des peupliers ou sur l’arête des cols alpins, rappellent - par leur structure répétitive et par leur opposition au contexte naturel - des vraies oeuvres de land art. Mieux: du land art fait ready made.

Reproduire ces barrages anti-chars en glace dans un glacier est une sorte de mise en abyme. Glaciers et toblerones semblent partager aujourd’hui un destin commun: celui de devoir disparaÓtre. Si la menace de la disparition des glaciers alpins constituerait une catastrophe écologique avec des conséquences imprévisibles, l’armée suisse se trouve confrontée avec le problème de devoir se débarrasser des barrages en béton, ou tout au moins de les faire disparaître de ses cadastres. Et oui, pour l’armée ce serait de fait une solution idéale si tous les barrages anti-chars étaient de glace et non de béton. Il pourraient ainsi fondre simplement au soleil. Exactement comme les ennemis tant redoutés, contre lesquels les barrages furent conÁus et bâtis, et qui se sont dissous sous le soleil des annÈes 1990. Impossible ici de ne pas évoquer le "vrai" Toblerone, la barre de chocolat au lait avec amandes et miel, article tant aimé des touristes, mais aussi - disons-le - fierté des Suisses. Le soleil représente aussi son pire ennemi, car un Toblerone perdrait son essence s’il venait à perdre sa forme...

Ainsi l’idee de sculpter des toblerones en glace n’est pas uniquement une farce, ni un jeu stupide. D’ailleurs je suis s°r que Olivier Mosset adhérerait à l’un des aphorismes célèbres de Marcel Duchamp: "stupide comme un peintre". Le Toblerone en glace de Saas-Fee constituent un autre combat contre un art banal, et bien au-delà du kitsch propre aux concours de sculpture sur glace, une autre "pièce de resistance" d’Olivier Mosset.